Formes dans l’informe

par Francis B.

Mokap. Cinq lettres pour définir une artiste protéiforme. Cinq lettres qui, depuis 2005, œuvre sur des capsules de café consommées. Au fil des ans, les cinq lettres sont devenus 5 matières – aluminium, carton, plastique, bois et divers – pour répondre à l’inspiration créatrice. Cinq lettres pour une première exposition aux 5 Caumartin.

Décomposée, le chiffre 5 donne 2012, année de la création de l’œuvre majeure de la première période de l’artiste : Formes dans l’informe.

Après une utilisation relativement formelle du contenant métallique – notons l’étincelant Lingots et la composition labyrinthique de la Tapisserie noire et or –, Mokap s’approprie la matière structurelle de la capsule dans toute sa richesse et accède alors à une dimension informelle.

L’artiste, en prenant pleinement possession de la substance métallique, dépasse les limites conceptuelles de l’objet de grande consommation – la bichromie irisée tient autant du design que du marketing – et arrive à une liberté totale de l’exploitation de son matériau : le choix des couleurs, l’intrication des contours et des à-plats, la répartition des gammes chromatiques explosent dans une composition savamment maîtrisée ou l’œil navigue au gré des parcours voulus par Mokap.

Comme en photographie, un double vignettage, supérieur et inférieur, incite le regard à circuler des extérieurs aux intérieurs, l’engageant à naviguer d’une zone grise argentifère à l’autre puis à “rebondir” sur les cobalts, les grenats et les ambres en fonction de leur luminosité.

L’une des réussites majeures de l’opus réside dans la distribution des noirs : en traversant la pupille, ils induisent le cerveau jusqu’à ce que celui-ci perçoive enfin la volonté de Mokap : entraîner le spectateur dans une représentation cosmique.

Mokap, de l’espace des formes à l’informe universel.